VOIR ICI notre ancien site : http://astrosurf.com/descartes78/la_chasse_au_meteore_030.htm
et la page de M. Crovisier notre parrain : http://www.lesia.obspm.fr/perso/jacques-crovisier/JV/verne_CM.html
Zephyrin Xirdal et E = mc²
« Réfractaire à tout enseignement régulier, il avait, dès le plus jeune âge, décrété qu’il s’instruirait tout seul, et ses parents s’étaient vus contraints de s’incliner devant son indomptable volonté. Cela ne leur avait pas, en somme, trop mal réussi. À un âge où l’on se traîne encore sur les bancs des lycées, Zéphyrin Xirdal avait concouru – pour s’amuser, disait-il, – à toutes les grandes écoles l’une après l’autre, et, dans ces concours, il avait invariablement obtenu la première place. »
Dans la version remaniée, Michel Verne introduit un nouveau personnage dont le rôle est le classique savant fou.
« Pour Zéphyrin Xirdal, la matière n’est qu’une apparence ; elle n’a pas d’existence réelle. Il prétend le prouver par l’incapacité où l’on est d’imaginer sa constitution intime. Qu’on la décompose en molécules, atomes, particules, il restera toujours une dernière fraction pour laquelle le problème se reposera intégralement, et ce sera éternellement à recommencer, jusqu’au moment où l’on admettra un principe premier qui ne sera pas de la matière. Ce premier principe immatériel, c’est l’énergie.
Qu’est-ce que l’énergie ? Zéphyrin Xirdal confesse n’en rien savoir. L’homme n’étant en relation avec le monde extérieur que par ses sens, et les sens de l’homme étant exclusivement sensibles aux excitations d’ordre matériel, tout ce qui n’est pas matière reste ignoré de lui. S’il peut, par un effort de la raison pure, admettre l’existence d’un monde immatériel, il est dans l’impossibilité d’en concevoir la nature, faute de termes de comparaison. Et il en sera ainsi tant que l’humanité n’aura pas acquis de sens nouveaux, ce qui n’est pas absurde a priori.
Quoi qu’il en soit à cet égard, l’énergie, d’après Zéphyrin Xirdal, remplit l’univers et oscille éternellement entre deux limites : l’équilibre absolu, qui ne pourrait être obtenu que par sa répartition uniforme dans l’espace, et la concentration absolue en un seul point, qu’entourerait dans ce cas un vide parfait. L’espace étant infini, ces deux limites sont également inaccessibles. Il en résulte que l’énergie immanente est dans un état de perpétuel cinématisme. Les corps matériels absorbant sans cesse l’énergie, et cette concentration provoquant forcément ailleurs un néant relatif, la matière rayonne, d’autre part, dans l’espace l’énergie qu’elle retient prisonnière.
Donc, en opposition avec l’axiome classique « Rien ne se perd, rien ne se crée », Zéphyrin Xirdal proclame que « Tout se perd et tout se crée ». La substance, éternellement détruite, se recompose éternellement. Chacun de ses changements d’état s’accompagne d’un rayonnement d’énergie et d’une destruction de substance correspondante. «
Comment avant 1908, le roman étant publié à cette date, Michel Verne a-t-il eu l’idée de parler de l’équivalence masse/énergie, qui nous fait naturellement penser aujourd’hui à Einstein ?
Il n’aurait pas pu connaître les théories d’Einstein, publiées en 1905, lues à l’époque par seulement une petite communauté de scientifiques.
Dans le BSJV (Bulletin de la Société de Jules Verne) n°103, 1992, Guy Desloges évoque les publications de Gustave Le Bon, de 1900 à 1905, dans lesquelles on trouve une allusion flagrante au rapport entre matière et énergie.
Nous nous sommes procurés le livre en question, dont le titre est : « l’Evolution de la Matière ».
On y trouve des passages très clairs concernant l’énergie intra-atomique et la relation entre énergie et matière :
Par exemple, on retrouve dès le début de l’ouvrage, une phrase reciopiée presque intégralement par Michel Verne :
« A l’adage classique : rien ne se crée, rien ne se perd il faut substituer celui-ci : rien ne se crée mais tout se perd » (p.14; éd.1905)